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SONS

Venise 1834

Cet assemblage de maisons, les conti, s’ouvrant sur un espace commun, correspond à ce que nous appelons aujourd’hui, à Paris, « cité ». Ce sont de petites places obscures, servant de passage qu’un quartier à l’autre, habitées par des gens de mince fortune et de mince condition, le plus souvent par des gens du peuple, des ouvriers ou des blanchisseuses; qui étendent leur linge sur des cordes tendues en travers du chemin. Malheur à l’artiste pauvre, réduit à ouvrir les fenêtres de son cabinet sur ces recoins tranquilles, où la vie prolétaire, avec ses habitudes rustiques, bruyantes et un peu malpropres, reparaît tout à coup au sein de Venise, à deux pas des larges canaux et des somptueux édifices. Malheur à lui si le silence est nécessaire à ses méditations. Car de l’aube à la nuit un bruit d’enfants, de poules et de chiens, jouant et criant ensemble dans cette enceinte resserrée, les interminables babillages des femmes rassemblées sur le seuil des portes, et les chansons des travailleurs dans leurs ateliers ne lui laisseront pas un instant de repos. Heureux encore quand l’improvvisatore ne vient pas hurler ses sonnets et ses dithyrambes jusqu’à ce qu’il ait recueilli un sou de chaque fenêtre, ou quand Britzella n’établit pas sa baraque au milieu de la cour, patient à recommencer son dialogue avec l’invocato, il tedesco et il diavolo, jusqu’à ce qu’il ait épuisé sa faconde gratis devant les enfants déguenillés, heureux spectateurs qui ne se font scrupule d’écouter et de regarder sans avoir un liard dans leur poche. (George Sand, cité dans : Fulvio Roiter, « Venise à fleur d’eau », La Guilde du Livre, Lausanne, 1954, p. 116)

 

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