Venise

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Venise

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à la pleine lune

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Venise - le 8 octobre 1786.
Il est manifeste que l'oeil se forme d'après les objets qu'il voit dès l'enfance. Aussi le peintre vénitien doit il tout voir plus lumineux et plus serein que les autres hommes. Nous, qui vivons sur une terre tantôt fangeuse, tantôt poudreuse, décolorée, qui assombrit tous les reflets, et peut être même enfermés dans d'étroits appartements, nous ne pouvons développer chez nous ce joyeux regard. Comme je voguais un jour à travers les lagunes en plein soleil, et que j'observais sur leurs bancs les gondoliers, aux vêtements bigarrés, ramant et passant d'une course légère, et se dessinant dans l'air bleu sur la plaine verte : j'avais la plus vive et la plus fidèle image de l'école vénitienne. La lumière du soleil relevait d'une manière éblouissante les couleurs locales, et les parties ombrées étaient si claires que, proportion gardée, elles auraient pu servir à leur tour de lumières. Il en était de même des reflets de l'eau verte; tout était clair et peint en clair, en sorte que les flots écumants et leurs flammes étincelantes étaient nécessaires pour mettre les points sur les i. Le Titien et Paul Véronèse avaient cet éclat au plus haut degré, et, quand on ne le trouve pas dans leurs toiles, c'est qu'elles ont perdu ou qu'on les a repeintes.
( Goethe, "Voyages en Suisse et en Italie", Librairie de L. Hachette, Paris, 1868, p. 143.)

Venise - 20 avril 1864
Le chemin de fer entre dans les lagunes, et tout de suite le paysage prend un aspect et une couleur étranges. Point d'herbes ni d'arbres, tout est mer et sable, à perte de vue des bancs émergent, bas et plats, quelques uns demi lavés par le flot. Un vent léger ride les flasques luisantes, et les petites ondulations viennent mourir à chaque instant sur le sable uni. Le soleil couchant pose sur elles des teintes pourprées que le renflement de l'onde tantôt assombrit, tantôt fait chatoyer. Dans ce mouvement continu, tous les tons se transforment et se fondent. Les fonds noirâtres ou couleur de brique sont bleuis ou verdis par la mer qui les couvre, selon les aspects du ciel, l'eau change de lumière, sous des semis d'or qui paillettent les petits flots, sous des tortillons d'argent qui frangent les crêtes de l'eau tournoyante, sous de larges lueurs et des éclairs subits que la paroi d'un ondoiement renvoie. Le domaine et les habitudes de l'oeil sont transformés et renouvelés. Le sens de la vision rencontre un autre monde. Au lieu des teintes fortes, nettes, sèches des terrains solides, c'est un miroitement, un amollissement, un éclat incessant de teintes fondues qui font un second ciel aussi lumineux, mais plus divers, plus changeant, plus riche et plus intense que l'autre, formé de tons superposés dont l'alliance est une harmonie. On passerait des heures à regarder ces dégradations, ces nuances, cette splendeur. Est ce d'un pareil spectacle contemplé tous les jours, est ce de cette nature acceptée involontairement comme maîtresse, est ce de l'imagination remplie forcément par ces dehors ondoyants et voluptueux des choses, qu'est venu le coloris des Vénitiens ?
(Hippolyte Taine "Voyage en Italie – A Venise", Editions Complexe, Bruxelles, pp. 9-10.)

Venise
Le ciel vénitien n'est jamais de ce bleu dur qui nous obsède parfois, jusqu'à la hantise, dans les régions sèches de l'Italie, les méridionales surtout, mais d'un azur très fin, lavé et relavé, qui enveloppe les architectures sans les découper nettement, comme il en est en Sicile et même à Florence.
(A. t'Serstevens, "Intimité de Venise", Arthaud, Grenoble, 1969, p. 75.)
L'ombre et la lumière, plus que partout ailleurs, adverses, complémentaires - que les façades trouvent là leur modelé.
(Claude Dourguin, "La lumière des villes", Champ Vallon, Seyssel, 1990,p. 161)
En début de printemps, la lumière flottante, instable, prompte à se voiler comme à s'aérer l'air marin ou vibrer de soleil frais.
(Claude Dourguin, "La lumière des villes", Champ Vallon, Seyssel, 1990, p. 162)
Les matins d'avril, inséparable de l'air frais, une lumière de perle embuée fait trembler la ville.
(Claude Dourguin, "La lumière des villes", Champ Vallon, Seyssel, 1990, p. 176)

Venise
L'atmosphère de la lagune qui ronge profils et contours, qui noie les couleurs dans un éblouissement de lumière, a pu déterminer les peintres vénitiens à manier la couleur d'une manière à la fois plus concertée et plus juste qu'on ne l'avait fait jusqu'alors dans les autres villes d'Italie.
(Ernst Gombrich, "Histoire de l'art", Flammarion, Paris, 1990, pp. 247.)

Venise
Cette prédominance, cette royauté de la lagune, seuls les Vénitiens la connaissent et l'ont chantée, l'ont décrite même dans des livres savants. L'étranger fasciné, accaparé par la ville, dédaigne trop aisément la mer intérieure qui aboutit à elle comme une plante vivace à sa fleur. Il refuse de se perdre dans l'ensorcellement de ces plaines d'eau si unies, si irréelles, que la lumière du jour rend tour à tour blanches, bleues, roses, grises, plus rarement violettes, plus rarement encore vertes, comme les canaux de la ville, et comme les a peintes Albert Marquet. A l'horizon lointain, le bord des îles ou des flèches de sable trace à peine un filet d'ocre au raz de l'eau.
(Fernand Braudel, "Venise", in: "La Méditerranée – Les hommes et l'héritage", Flammarion, coll. Champs, Paris, 1986, pp. 160-161.)

Venise
Mon enthousiasme pour Venise […] n'a fait que croître et, le moment de quitter cette lumière unique approchant, je m'en attriste. C'est si beau. […] Mais j'ai passé ici des moments délicieux, oubliant presque que je n'étais pas le vieux que je suis.
(Claude Monet, lettre à Gustave Geoffroy, 7 décembre 1908 [il a à cette époque 68 ans], in: Sylvie Patin, "Monet", Gallimard, coll. Découvertes/ Réunion des Musées nationaux, Paris, 1991, p. 119.)

Venise
Midi, l'heure de nacre. La lagune est une coquille courbe que le soleil, voilé de vapeurs blanches, irise. Au loin, les îlots ne sont plus que des ombres grises, des fantômes blancs qui semblent se dissoudre dans une prairie de sel mauve et de sable rose. Tel est sans doute l'horizon du désert. Et le clocher, là bas, de Torcello peut être, est un ibis droit sur sa patte grêle.
(André Suarès) (55)

Venise – 1836
Souvent des nuages violets, tels que ceux qui flottent sur les toiles de Tintoret, s’amassent sur la ville; leurs lignes droites sont comme tracées à l’équerre. La lumière se concentre alors dans une étroite bande à l’horizon. C’est avec une netteté incroyable que les objets se détachent sur cette zone; mâts, cordages, verges, avirons, tout est gravé au burin dans un ciel de cuivre. Du fond des vagues bronzées sortent le palais des doges, le campanile de Saint-Marc avec son ange d’or, puis, dans les îles, les dômes de Saint-George, du Redemptor et des Citelle. La ville tout entière surgit de cette mer empourprée, comme dans la création de l’un de ses peintres.
(Edgar Quinet, "Italie", in : "Œuvres complètes", Pagnerre, libraire-éditeur, Paris, 1857, p. 301)

Venise, San-Giovani-e-Paolo, I Frari, 26 avril 1864
On sort de la ville, il est midi, le ciel est d’une pâleur ardente.
(Hippolyte Taine "Voyage en Italie III – A Venise", Editions Complexe, coll. Le Regard Littéraire, Bruxelles, p. 45.)

Venise – 27 avril 1864
Ce n'est point ici de l'eau ordinaire. Enfermée dans les canaux, troublée par les suintements et les infiltrations de la colonie humaine, elle a pris des rougeurs terreuses, des teintes d'ocre blafardes, des noirceurs bleuâtres et vaseuses, en sorte qu'elle ressemble à l'amas de vingt couleurs brouillées ensemble sur la même palette. Sous un ciel du nord, elle serait lugubre; sous l'illumination du soleil et de la soie d'azur tendre qui tend ici toute la coupole céleste, elle remplit les yeux d'un plaisir presque physique. Véritablement on nage dans la lumière. Le ciel la verse, l'eau la colore, les reflets la centuplent; il n'y a pas jusqu'aux maisons blanches et roses qui ne la renvoient, et la poésie des formes vient achever la poésie du jour.
(Hippolyte Taine "Voyage en Italie – A Venise", Editions Complexe, Bruxelles, pp. 59-60.)

Venise en hiver
Ce matin, il y avait à peine dans l'air une légère vapeur, une buée dorée qui transformait les marbres en ivoires et l'eau en une soie infiniment douce et changeante, d'un bleu violet. Venise tissait autour d'elle un tendre cocon de paisibles splendeurs. Après midi le brouillard est descendu, mou et lourd, éteignant en quelques instants toutes les couleurs, défaisant toutes les formes: les édifices confondus en de vastes masses de ténèbres, l'eau devenue opaque, morte, les tournants des canaux calfeutrés d'ouate grise, les lampadaires voilés, enfermés chacun dans son halo bref, au dessus des dalles noires et visqueuses. Des ombres noires filent rapidement devant les vitrines éclairées, l'une d'elles s'arrête au fourneau rougeoyant du marchand de marrons, puis aussitôt disparaît et s'évanouit dans le néant.
Dans la lagune un bateau lance des hurlements et des plaintes de bête prise au piège; tandis que les clochettes s'appellent et se répondent obstinément dans le brouillard.
(Diego Valeri, "Fantaisies vénitiennes", Ed. à la baconnière, Neuchâtel, 1945, pp. 17-18.) [Trad. De l'italien par Lucienne Portier]

Venise
On se souvient, par exemple, d'avoir vu, tel matin d'hiver, une ville incroyablement blanche, d'un blanc net, ferme et translucide, parcourue par des reflets verts et des éclairs d'arc en ciel. Une ville incluse dans un prisme d'air solidifié en cristal, où les fantaisies, les caprices même, de l'architecture la plus libre qu'on connaisse, n'étaient que des géométries pures, de pures formes de l'intelligence, de pures raisons.
[…] Dans cette lumière irréelle qui, à tout moment, défait et refait une ville qui n'est jamais elle-même, qui n'est que trop elle-même.
(Diego Valeri, "Fantaisies vénitiennes", Ed. à la baconnière, Neuchâtel, 1945, pp. 128 & 130.) [trad. de l'italien par Valérie Frossard]

Venise - 1901
Je me suis souvent demandé si, parmi ceux qui n'ont jamais vu Venise, il pouvait y avoir des adorateurs sérieux de l'art vénitien. Moi même, malgré toute l'estime que je lui vouais, je n'avais cessé d'en être un froid admirateur. A Milan et à Florence, fidèle à mon devoir, j'ai studieusement contemplé les magnifiques tableaux vénitiens, en particulier les Titien des Offices, et je n'ai éprouvé devant aucun, à l'exception des portraits, ce doux et profond sentiment d'admiration qui résulte uniquement d'une compréhension totale. J'en ai donc ressenti, par exemple, la tonalité éclatante et brunâtre et le bleu profond féerique des fonds comme quelque chose d'étrangement poétique, dont il faudrait chercher l'origine moins dans la nature que dans le ravissement du peintre que subjuguaient les couleurs. Et la beauté pleine et mature du Titien m'est apparue, en particulier dans les tableaux de la Tribuna, comme une beauté sans âme et presque commune, comparée à l'art délicat et inspiré des Toscans.
Le hasard a voulu qu'après mon arrivée à Venise, je sois resté plusieurs jours sans visiter la moindre exposition de peintures. Venant de Bologne, fatigué d'avoir vu des collections de second ordre car, par rapport à Florence, la Pinacothèque fait l'effet d'un met avarié, je voulais que mes yeux se reposent. En revanche, ces journées, je les ai passées à flâner dans les rues de Venise, sur les canaux, les places, la lagune et les îles. J'ai visité Burano, Torcello, le Lido, Chioggia et pendant ces trajets fatigants, effectués sous un soleil brûlant, j'ai inconsciemment humé l'étrange beauté de la lagune, le parfum de l'eau, le reflet de la lumière dans la mer et les étranges irisations du miroir de la lagune. Et lorsque, enfin, j'ai visité l'Académie et le Palais des Doges, je me suis tout à coup rendu compte que, bizarrement, je connaissais parfaitement la peinture vénitienne et que je l'aimais. Je compris soudain, non seulement le brun doré, les luxuriants jeux de lumière et les combinaisons de couleurs, mais aussi la réification en apparence sans âme de ces beaux êtres et paysages j'avais ainsi appris à voir. Désormais, le secret de cette beauté étrangère s'ouvrit à moi avec une plus grande profondeur, une grande plénitude; désormais j'aimais Venise et j'apprenais à la connaître : de l'architecture de ses palais au pittoresque fantastique, à la vie des gondoliers et des pêcheurs, en passant par le doux dialecte des îles.
(Hermann Hesse, "Voyages en Italie", José Corti, Paris, 1992, pp. 175-176)

Venise – 1928
Impression, inédite ici, pour nous, ce matin, au réveil : ciel gris, lumière sans profondeur.
Il pleut.
Mélancolie, le clapotis léger de l’ondée, qui piquette la surface du Grand Canal. Et qu’elle semble donc inutile la pluie, dans cette ville : de l’eau qui tombe dans l’eau.
(Max et Alex Fischer, "Venise – pages d’un carnet de notes", Flammarion, Paris, 1928, p.105.)

Venise - 20 juin 1954.
Sur le balcon ce matin, de quatre heures et quart à cinq heures moins le quart, lumière calme et douce, ton nacré et touches rosées ça et là dans le ciel. L'eau sans une ride. On aurait dit la marée montante, mais le courant allait dans l'autre sens. La Salute telle une gravure, ou une eau forte plus exactement, à la Whistler. Ai regardé la lumière monter progressivement jusqu'à ce que je sois trop fatigué pour attendre qu'un plein soleil illumine le ciel en son entier. Giovanni Bellini et ses successeurs immédiats peignaient des ciels d'aurore, sans doute parce qu'ils avaient compris qu'il était impossible de peindre la lumière du soleil. Ils peignent un ciel pâle et sans soleil, si évocateur, même chez de médiocres talents comme Basaiti ou Bissolo! Chez Bellini lui même le ciel est toujours le ciel pâle de l'aube, sauf dans la 'Résurrection" de Berlin, où celui qu'il dépeint est parcouru par de petits nuages empourprés qui éveillent en nous un sentiment de fraternité pour Jésus, qui ressuscita des morts aussi resplendissant que le soleil victorieux des ténèbres.
(Bernard Berenson, "Le voyageur passionné", Gérard-Julien Salvy, Paris, 1985, p. 51.)

Venise
Les jours de neige la lumière froide et pâle effleure à peine la ville. Et vers midi un rayonnement furtif – au milieu du ciel de craie la buée rose d’une respiration.
(Claude Dourguin, "La lumière des villes", Champ Vallon, Seyssel, 1990, p. 166.)

Venise
En mars, certains jours sans soleil, une lumière de midi pâle, sans froideur, plus continentale que marine, éblouit places et ruelles. On voit alors aux façades s’aviver les teintes comme mémoires touchées : grenat, lie de vin, ocre rose, sienne claire parlent d’anciens élans.
(Claude Dourguin, "La lumière des villes", Champ Vallon, Seyssel, 1990, p. 180.)

Burano
L'île dont je parle (une île minuscule qui, avec ses maisons, ses églises, ses vergers, trouverait place tout entière dans l'enceinte de Saint Pierre de Rome), porte un nom célèbre dans le monde entier, grâce à l'industrie légère et précieuse de ses femmes: c'est Burano.
Mais je ne veux point ici vous parler de dentelles, ne m'y connaissant guère, mais seulement de l'air, des choses, des habitants, de l'étrange vie de ce village.
L'air n'est déjà plus celui de Venise: il est plus vif et plus pur.
S'il vous arrive de débarquer à Burano par une belle journée de mai, vous sentez la lumière vous peser sur vos yeux et sur votre poitrine. L'ombre n'existe plus: l'ombre elle même est lumière. Les façades des maisons, teintées d'un azur éthéré, d'un rouge velouté, d'un rose damassé, d'un blanc laiteux, resplendissent au soleil; et les eaux des canaux en augmentent la splendeur. Le ciel est si clair et si transparent, qu'en l'effleurant du regard il semble répondre par un tintement de cristal. La richesse magnifique de la pauvre île, est d'avoir au dessus d'elle, et pour elle seulement, un ciel aussi grand et limpide, et à ses pieds, tout autour, l'immense miroir de la lagune.
En octobre, rien de pareil. L'île est comme enveloppée d'un immense nuage incandescent, d'une fine poussière d'or qui donne aux murs et aux dalles le rayonnement des pierres précieuses. Les vergers, du côté de Mazzorbo, brillent comme ceux des Hespérides. Le ciel est comme une douce soie étalée, dont le coloris va du mauve à l'azur.
Dons mystérieux du ciel, Mais il faut convenir que ces gens savent en user. Les teintes des maisons sont leur oeuvre, l'oeuvre des femmes qui de temps à autre, à l'aide d'un seau de peinture préparée dans leurs cuisines et d'un pinceau fixé au bout d'une perche, peignent et repeignent les façades jusqu'à la hauteur qu'elles peuvent atteindre; tandis que la zone supérieure reste blafarde, délavée par les pluies et écaillée par le soleil. Des peintres viennent ensuite de Venise ou de Milan, se postent sur le canal de Terranova, observent le jeu des tons opposés et complémentaires, l'alternance des hauts et des bas, des arsis et des thèses, et restent bouche bée en face d'un contraste si savant et pourtant tout instinctif.
(Diego Valeri, "Fantaisies vénitiennes", Ed. à la baconnière, Neuchâtel, 1945, pp. 97-99.) [trad. de l'italien par Valérie Frossard]

Noventa (Vénétie, 30 km de Venise)
La tempête passée, mais trois jours de vent froid et quelques heures de grosse pluie ont suffi pour changer la face du monde. Maintenant, oui, c'est l'automne.
L'azur n'est plus resplendissant, il laisse voir seulement par transparence une lumière qui semble s'être éloignée, s'être retirée au fond du ciel. Très bas, sur l'horizon, fument de beaux nuages bleu-gris à la grande crête blanche.
(Diego Valeri, "Fantaisies vénitiennes", Ed. à la baconnière, Neuchâtel, 1945, p. 121.) [trad. de l'italien par Lucienne Portier]

Venise
Surtout en hiver, quand le brouillard local, la fameuse nebbia, rend le lieu plus intemporel que le saint des saints de n'importe quel palais, gommant non seulement les reflets mais tout ce qui a une forme: édifices, gens, colonnades, ponts et statues.
(Joseph Brodsky, "Acqua alta", Gallimard, Arcades, Paris, 1992, p. 52 , [trad. de l'anglais par Benoît Cœuré et Véronique Schiltz])
La lumière d'hiver dans cette ville ! Elle a la propriété extraordinaire de donner au pouvoir de résolution de l'oeil une précision microscopique - la pupille, en particulier surpasse toutes les lentilles Hasselblad et confère aux souvenirs qui en naissent une acuité digne du National Geographic. Le ciel est d'un bleu éclatant.
(Joseph Brodsky, "Acqua alta", Gallimard, Arcades, Paris, 1992, p. 67 , [trad. de l'anglais par Benoît Cœuré et Véronique Schiltz])
Toutes les villes sont belles au crépuscule, mais certaines le sont plus que d'autres. Les reliefs deviennent plus souples, les colonnes plus rondes, les chapiteaux plus déliés, les corniches plus nettes, les flèches plus élancées et les anges plus aériens. [...] C'est la plus pure des lumières d'hiver. [...] C'est une lumière intime, celle de Giorgione ou de Bellini, pas celle de Tiepolo ou du Tintoret.
(Joseph Brodsky, "Acqua alta", Gallimard, Arcades, Paris, 1992, p. 69, [trad. de l'anglais par Benoît Cœuré et Véronique Schiltz)

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