l’odeur des villes au XVIIè s
Liège - août 1615
Comme nous approchions Liège de plus près, nous commençasmes à sentir le mesme air que l'on sent approchant de Paris, sçavoir grossier et puant à cause des fanges que le charroy des houilles y suscite et entretient. A l'entrée, nous ne trouvasmes aucunes gardes ains estoient les portes toutes ouvertes à tous venant, chose qui nous sembla estrange en une saison de peste telle qu'estoit celle où nous estions. Estans entrez, nous trouvasmes ceste ville fort semblable à celle de Paris, tant pour la salleté de ses rues couvertes de fanges puantes et noires, comme pour leur estroiteur, car il y en a fort peu de larges, comme aussi pour la hauteur excessive des édifices particuliers, la plupart dressz de charpentage et de plastre, où demeurent en chascun cinq ou six menages ou plus, comme nous avions veu à Paris.
(Voyage de Philippe de Hurges à Liége et à Maestrect en 1615 publié par H. Michelant, Liège, Grandmont-Donders, coll. "Société des bibliophiles liégeois" (nº11), 1872, pp. 62, 63.)
Lyon – 1630
La ville est en soi fort laide, triste, et puante; les rues étant très étroites, obscures et pleines de boue, et les maisons hautes, obscures, mal bâties, sans être ornées ni même enduites extérieurement; tous les entours des portes et des fenêtres sont jaunis d'ocre, et la plupart des fenêtres ne sont que des châssis de papier, qui se haussent et se baissent comme des auvents, par-dehors, avec des ficelles. La pente des toits n'est pas reprise du côté de la rue, mais va se joindre à la maison voisine; l'eau est portée par de grandes gouttières de bois qui s'avancent jusqu'au milieu de la rue, ce qui est extrêmement vilain pour la vue, et plus incommode encore aux épaules de ceux qui passent lorsqu'il pleut.
(Jean-Jacques Bouchard, "Voyage de Paris à Rome" (1630), in "Oeuvres", édition établie par Emmanuelle Kanceff, Giappichelli, Turin, 1976-1977, t. I., cité dans: Jean M. Goulemot, Paul Lidsky et Didier Masseau, "Le voyage en France – anthologie des voyageurs européens en France, du Moyen Age à la fin de l'Empire", Robert Laffont, coll. Bouquins, Paris, 1995, p. 313)
Aix - 1630
En somme, après Paris, Oreste n'a point vu de plus superbe et de plus noble ville. Celle ci a comme seul défaut que l'usage des fosses d'aisance privées n'y existant pas, il faut aller faire ses affaires sur les toits des maisons, ce qui empuantit fort les logis et même toute la ville, principalement lorsqu'il pleut, l'eau entraînant dans les rues toute cette ordure, de sorte qu'il n'est pas bon de se promener en ces temps là. Aussi dit on au pays qu'à Aix il pleut de la merde comme il en pleut aussi à Marseille et à Arles.
(Jean-Jacques Bouchard, "Voyage de Paris à Rome" (1630), in "Oeuvres", édition établie par Emmanuelle Kanceff, Giappichelli, Turin, 1976-1977, t. I., cité dans: Jean M. Goulemot, Paul Lidsky et Didier Masseau, "Le voyage en France – anthologie des voyageurs européens en France, du Moyen Age à la fin de l'Empire", Robert Laffont, coll. Bouquins, Paris, 1995, p. 321)
Montpellier – 1656
Dans la grande rue des Parfumeurs, par où l'on entre d'abord, l'on croit être dans la boutique de Martial [célèbre parfumeur parisien], et cependant:
Bien que de cette belle ville
Viennent les meilleures senteurs
Son terroir en muscats fertiles
Ne lui produit jamais de fleurs
Cette rue si parfumée conduit dans une grande place où sont les meilleures hôtelleries.
(Claude-Emmanuel Chapelle et François de Bachaumont, "Voyage d'Encausse fait par messieurs Chapelle et Bachaumont, L. Jouan édit., Caen, 1902, cité dans: Jean M. Goulemot, Paul Lidsky et Didier Masseau, "Le voyage en France – anthologie des voyageurs européens en France, du Moyen Age à la fin de l'Empire", Robert Laffont, coll. Bouquins, Paris, 1995, p.406.)
Madrid – 1659
Les rues sont pour la plupart larges, mais je ne crois pas que jamais on en ait ôté un tombereau de boue, tant il y en a partout, et si infecte à cause des ordures que l'on y jette, que je crois que c'est pour ce sujet que les Espagnols ont tant de soin d'avoir du parfum. L'hiver les carrosses ont à cause de cela grande peine à y aller ; car outre les grands ruisseaux, qui sont composés d'une boue fort épaisse, il y a en beaucoup d'endroits des buttes d'autre boue plus sèche, qui sont là apparemment dès le temps de Charles Quint. L'été, cette boue se sèche et fait une quantité de poussière effroyable, de façon qu'il ne paraît en aucune saison que les rues soient pavées, encore qu'elles le soient.
(François Bertaut, "Journal du voyage d'Espagne", cité dans in: "Bartolomé et Lucile Bennassar, "Le voyage en Espagne Anthologie des voyageurs français et francophones du XVIè au XIXè siècle", Robert Laffont, coll. Bouquins, Paris, 1998, p. 326)
Grenoble – 1659
La rue Saint-Jayme est trouvée orde, sale et pleine de boue et d’immondices. ( ... ) A la place Bon-Conseil, les jardinières et herbières font leurs deschages ordinaires de leurs herbes empuantes, ce qui cause de grandes incommodités au quartier.
La rue de la Poulaillerie, où se trouve le marché à la volaille, est un cloaque d'infection : les bouchers, volaillers, rôtisseurs, fruitiers, jetant leurs ordures devant la porte de leurs boutiques, et comme personne ne les enlève, il y a un tapis d'immondices.
L'entrée de l’égout (…) de la rue du Grand Puits (...) est fermée par un tas d'immondices; plus loin, la voûte est rompue en plusieurs endroits, (...) il est impossible de circuler.
La rue Pailleret est remplie de boues, eaux croupies, pailles pourries, plumes, tripailles et autres vilaines et puantes ordures provenant des auberges et écuries.
La rue du Boeuf est beaucoup plus puante et infecte que d'autres, à cause des bouchers et charcutiers (...) et que le sang, tripailles et débris de toutes sortes qui n'en sont pas enlevés. (…)
Devant diverses maisons de la rue Bournolenc, se trouvent plusieurs tas d'ordures comme vidanges de caves, graviers, fumier cendres et mâchefer.
La rue Saint Laurent a une grande puanteur pouvant faire naître des maladies contagieuses; tous les habitants nous ont fait leurs supplications d’y mettre ordre sinon ils seront contraints de quitter ladite rue en danger.
(extrait du rapport de la commission spéciale chargée, en 1659, par le parlement de Grenoble d’enquêter sur la propreté de la ville, in : Alphonse Vernet, "Histoire populaire et anecdotique de Grenoble", tome III, Grenoble, Gratier & Cie, 1901, p. 81 (Fonds Anciens Dauphinois), cité dans Nathalie Poiret, "Des traces odorantes ou une proposition cartographique des odeurs de Grenoble au cours de son histoire", Thèse, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris, Laboratoire d’Anthropologie Sociale, p. 135).
Madrid – 1659
Les rues sont pour la plupart larges, mais je ne crois pas que jamais on en ait ôté un tombereau de boue, tant il y en a partout, et si infecte à cause des ordures que l'on y jette, que je crois que c'est pour ce sujet que les Espagnols ont tant de soin d'avoir du parfum. L'hiver les carrosses ont à cause de cela grande peine à y aller ; car outre les grands ruisseaux, qui sont composés d'une boue fort épaisse, il y a en beaucoup d'endroits des buttes d'autre boue plus sèche, qui sont là apparemment dès le temps de Charles Quint. L'été, cette boue se sèche et fait une quantité de poussière effroyable, de façon qu'il ne paraît en aucune saison que les rues soient pavées, encore qu'elles le soient.
(François Bertaut, "Journal du voyage d'Espagne", cité dans in: "Bartolomé et Lucile Bennassar, "Le voyage en Espagne Anthologie des voyageurs français et francophones du XVIè au XIXè siècle", Robert Laffont, coll. Bouquins, Paris, 1998, p. 326)
Grenoble – 1659
La rue Saint-Jayme est trouvée orde, sale et pleine de boue et d’immondices. ( ... ) A la place Bon-Conseil, les jardinières et herbières font leurs deschages ordinaires de leurs herbes empuantes, ce qui cause de grandes incommodités au quartier.
La rue de la Poulaillerie, où se trouve le marché à la volaille, est un cloaque d'infection : les bouchers, volaillers, rôtisseurs, fruitiers, jetant leurs ordures devant la porte de leurs boutiques, et comme personne ne les enlève, il y a un tapis d'immondices.
L'entrée de l’égout (…) de la rue du Grand Puits (...) est fermée par un tas d'immondices; plus loin, la voûte est rompue en plusieurs endroits, (...) il est impossible de circuler.
La rue Pailleret est remplie de boues, eaux croupies, pailles pourries, plumes, tripailles et autres vilaines et puantes ordures provenant des auberges et écuries.
La rue du Boeuf est beaucoup plus puante et infecte que d'autres, à cause des bouchers et charcutiers (...) et que le sang, tripailles et débris de toutes sortes qui n'en sont pas enlevés. (…)
Devant diverses maisons de la rue Bournolenc, se trouvent plusieurs tas d'ordures comme vidanges de caves, graviers, fumier cendres et mâchefer.
La rue Saint Laurent a une grande puanteur pouvant faire naître des maladies contagieuses; tous les habitants nous ont fait leurs supplications d’y mettre ordre sinon ils seront contraints de quitter ladite rue en danger.
(extrait du rapport de la commission spéciale chargée, en 1659, par le parlement de Grenoble d’enquêter sur la propreté de la ville, in : Alphonse Vernet, "Histoire populaire et anecdotique de Grenoble", tome III, Grenoble, Gratier & Cie, 1901, p. 81 (Fonds Anciens Dauphinois), cité dans Nathalie Poiret, "Des traces odorantes ou une proposition cartographique des odeurs de Grenoble au cours de son histoire", Thèse, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris, Laboratoire d’Anthropologie Sociale, p. 135).
Paris - Louvre - vers 1670
... Aux environs du Louvre, en plusieurs endroits de la cour et sur les grands degrés, dans les allées d’en haut, derrière les portes et presque partout, on y voit mille ordures, on y sent mille puanteurs insupportables, causées par les nécessités naturelles que chacun y va faire tous les jours, tant ceux qui sont logés dans le Louvre que ceux qui y fréquentent ordinairement et qui le traverse ... Dans la ville, plusieurs endroits sont aussi infectés de ces mêmes ordures ... Au Palais, le même inconvénient arrive, comme dans un lieu qui est ordinairement rempli de toutes sortes de personnages, qui font leurs nécessités en plusieurs endroits dudit palais, ce qui peut aussi nuire en temps de peste, même à messieurs du Parlement.
(pétition adressée à Louis XIV par un aspirant concessionnaire désirant installer des cabinets d’aisance à usage public, in: Docteur Cabanès, “Moeurs intimes du passé”, première série, chap. La propreté de la maison, Albin Michel, Paris, 1958, pp. 378-379.)