SONS
Naples, 1854
De nombreux colporteurs ambulants parcourent les rues, leurs marchandises sur la tête; et leurs cris font retentir l’air. Ceci, ajouté aux cliquetis des cloches portées par les troupeaux de chèvres continuellement conduits dans la ville pour être traites, ou allant au pâturage, rendent les Naples pleine de sons. Les musiciens de rue aussi, avec cor, violon, guitare, etc., dansent en jouant; aussi Punch et Judy, qui ont été créés dans cette région, grinçant dans les rues, avec des multitudes de charrettes, calèches, etc., font de Naples une ville bruyante … (Samuel Young, « A Wall-street bear in Europe », in: Peter Furtado, « Great CitiesThrough Travellers’Eyes », Thames & Hudson, London, 2019, p. 221.)
Barcelone – 1935
Nous suivons un dédales de rues, d’avenues qui s’allongent, se croisent, s’emplissent du tapage des klaksons d’autos, du roulement des trams, du bruit de ferraille d’énormes autobus à étage, s’éclairent des feux d’élégants magasins, de cafés, de pâtisseries. (Auguste Vierset, « L’Espagne en autocar », Les Editions de Belgique, Bruxelles, 1935, p. 12.)
Valence – 1935
Le soir, dans les rues très animées, les trottoirs sont encombrés de gens assis, dos à la façade, devant des tables que les consommations n’encombrent guère. […] Les cris des marchands de journaux, le bruit des pick-ups, le brouhaha des conversations, le roulement des trams enfièvrent les calle du centre. (Auguste Vierset, « L’Espagne en autocar », Les Editions de Belgique, Bruxelles, 1935, pp. 27-28.)
English quotes
Naples, 1854
Many travelling pedlars go about the streets, with their wares upon their heads; and their cries make the air resound. This, added to the jingling bells worn by the flocks of goats continually being driven into the city to be milked, or out to pasture, makes naples full of sound. The street musicians also, with horn, violin, guitar, etc, dancing as they play; also Punch and Judy, who were created in this region, squeaking in the streets, with multitudes of carts, carriages, etc, make Naples a noisy town … (Samuel Young, « A Wall-street bear in Europe », in: Peter Furtado, « Great CitiesThrough Travellers’Eyes », Thames & Hudson, London, 2019, p. 221.)
LUMIÈRES DU NORD
Londres, vers 1985
La lumière manque souvent de qualité, mais les ciels ! Jamais de ciel uniforme ici. Menaçant de nuées grises en flottille – de la cendre à l’anthracite – , blanches ça et là d’un côté de l’horizon, mais clair et balayé d’azur de l’autre. Foncé de noir et en même temps, ailleurs, enhardi de rose carminé, de lilas. Changeant d’une heure à l’autre. (Claude Dourguin, « La lumière des villes », Champ Vallon, Seyssel, 1990, pp. 22-23)
Amsterdam
De novembre à mars peu de couleurs sur la ville. Mais, leur suppléant, les tons, l’harmonie des valeurs, les oppositions de sombres et de clairs. Le plus souvent pour nourrir l’oeil enchanté, les grandes nappes lumineuses, les gris, perle ou acier, qui sur l’eau passent du mat au poli, et dans les nuages de l’opaque au transparent. L’hiver offre les dégradés, l’automne fait le don des contrastes – des nuages plombés et de brusques ensoleillements. (Claude Dourguin, « La lumière des villes », Champ Vallon, Seyssel, 1990, p. 103)
Vienne
Ville morose, accablée de tristesse, où de décembre (parfois bien avant) à mars ou avril un plafond bas, une lumière veuve de soleil « pèse comme un couvercle ». (Claude Dourguin, « La lumière des villes », Champ Vallon, Seyssel, 1990, p. 59)
Février s’enlise sous un ciel couvert, imperturbable gris éteint, d’où sourd de huit heure du matin à cinq heure du soir la même lumière pâle, indifférenciée – un jour terne, vague émanation de la brume, un neutre de la lumière. (Claude Dourguin, « La lumière des villes », Champ Vallon, Seyssel, 1990, p. 66)
Et toujours la demi-lumière feutrée d’humidité qui rend irréelle la promenade. (Claude Dourguin, « La lumière des villes », Champ Vallon, Seyssel, 1990, p. 76)
LUMIERES DE VENISE
Le ciel vénitien n’est jamais de ce bleu dur qui nous obsède parfois, jusqu’à la hantise, dans les régions sèchesde l’Italie, les méridionales surtout, mais d’un azur très fin, lavé et relavé, qui enveloppe les architectures sans les découper nettement, comme il en est en Sicile et même à Florence. (A. t’Serstevens, « Intimité de Venise », Arthaud, Grenoble, 1969, p. 75.)
L’ombre et la lumière, plus que partout ailleurs, adverses, complémentaires – que les façades trouvent là leur modelé. (Claude Dourguin, « La lumière des villes », Champ Vallon, Seyssel, 1990,p. 161)
En début de printemps, la lumière flottante, instable, prompte à se voiler comme à s’aérer l’air marin ou vibrer de soleil frais. (Claude Dourguin, « La lumière des villes », Champ Vallon, Seyssel, 1990, p. 162)
Les matins d’avril, inséparable de l’air frais, une lumière de perle embuée fait trembler la ville. (Claude Dourguin, « La lumière des villes », Champ Vallon, Seyssel, 1990, p. 176)
A LA PLEINE LUNE
Venise
Sempiternel leitmotiv de toute littérature consacrée à la Sérénissime: la lumière lunaire blanchit (en tous les sens) Venise, la rédime, la sauve momentanément de son irrémédiable déchéance. Alors qu’en plein jour la cité exhibe impudiquement sa lamentable vieillesse, ses innombrables mutilations et ses incurables infirmités, la nuit la rajeunit, lui rend toute sa jeunesse, toute sa splendeur d’antan. Guérissant et masquant pendant quelques heures ces plaies et ses sanies, la lune réenchante Venise, réactive ses attraits en dessinant avec netteté les contours des palais et des églises, tout en laissant dans l’ombre l’affreuse lèpre pourrissant les briques et les marbres. (Alain Buisine, « Dictionnaire amoureux et savant des couleurs de Venise », Zulma, 32380 Cadeilhan, p. 28. )
Venise
En plein jour, il n’y a guère de poésie dans Venise, mais sous la lune charitable ses palais déchus redeviennent blancs, leurs sculptures délabrées sont cachées dans les ombres et la vieille cité semble à nouveau couronnée de la grandeur qui était la sienne il y a cinq cents ans. (Mark Twain, « le Voyage des innocents » [1869], Maspero, Paris, 1982, p. 190).
TOUCHER DES SOLS
Cordoue – 1935
La ruelle zigzagante nous introduit du coup dans la vieille ville et ce serait charmant, n’étaient les cailloux pointus qui font du pavé cordouan le plus intolérable qui soit. (Auguste Vierset, « L’Espagne en autocar », Les Editions de Belgique, Bruxelles, 1935, p. 106)
Tolède – 1935
Tolède enfin, c’est la ville brûlée, calcinée, au réseau de rues étroites et silencieuses, aux pavés pointus, … (Auguste Vierset, « L’Espagne en autocar », Les Editions de Belgique, Bruxelles, 1935, p. 133)
TOUCHER THERMIQUE
Séville – 1935
La Calle de las Sierpes est à cet égard un véritable microcosme de la vie sévillane. Interdite aux véhicules, refuge d’ombre et de fraîcheur, grâce aux soldos, vélums de toile tendus d’un toit à l’autre, elle grouille à certaines heures d’une animation intense. (Auguste Vierset, « L’Espagne en autocar », Les Editions de Belgique, Bruxelles, 1935, p.87)
ODEURS
Florence, janvier 1856
Ville, où les trois quarts des rues sentent mauvais, […] où il fait une humidité puante. (Edmond et Jules de Goncourt, « L’Italie d’hier », Editions Complexes, Paris, 1991, p. 73)
Venise, 1944
Venise, moi je la reconnais à l’odeur. Odeur: esprit de la part mortelle des hommes, des choses, des villes. Ferrare est soeur par l’odeur de Munich. L’une et ‘autre sentent la buche brûlée. Villes combien cordiales l’une et l’autre et hivernales. L’une et l’autre invitent à l’espace domestique clos, au gemütlich de la maison. L’eau de Venise a « son » odeur. (de Venise, cette définition d’Amerigo Bartoli: « Venise est une fort noble et vieille dame à la mauvaise haleine ».) J’ouvre les narines à l’odeur de Venise, je pense que l’eau aussi a sa vie secrète, que l’eau aussi est une chose mortelle. (Alberto Savinio, « Ville, j’écoute ton coeur », Gallimard, Paris, 2012, p. 15. [trad. Jean-Noël Schifano])
Prague
Et je puis bien le dire maintenant, ce qui me reste de Prague, c’est cette odeur de concombres trempés dans le vinaigre, qu’on vend à tous les coins de rues pour manger sur le pouce, et dont le parfum aigre et piquant réveillait mon angoisse et l’étouffait dès que j’avais dépassé le seuil de mon hôtel. (Albert Camus, « L’envers et l’endroit » (1956), in: Oeuvres complètes, Quarto Gallimard, Paris, 2013, p. 121)